Progresser dans une discipline d’endurance comme la course à pied ou le vélo peut sembler “facile” en suivant le bon programme d’entraînement. Mais la performance ne se résume pas à l’entraînement seul. Outre une préparation physique et une nutrition adéquates, il est nécessaire de repousser ses limites mentales pour progresser. Néanmoins, les pratiquants de sport d’endurance ont tendance à négliger les stratégies mentales qui peuvent permettre de se dépasser. Je vais vous en partager cinq, dont certaines que j’utilise dans ma pratique du triathlon. À vous de choisir celles qui vous tentent !
Stratégie Mentale #1: Sourir
Le marathonien Eliud Kipchoge, le premier homme à avoir couru un marathon non-officiel en moins de 2 heures, semble souvent arborer un sourire quand il est dans le rouge pour se relâcher et supporter la douleur. Cette stratégie a été confirmée scientifiquement dans cette étude [1], dans laquelle certains participants devaient courir soit en souriant, soit en fronçant les sourcils. Les chercheurs ont trouvé que les coureurs qui souriaient étaient moins fatigués après l’effort, tout en utilisant moins d’oxygène que le groupe contrôle. Ils précisent que cette stratégie fonctionnait même si le sourire était forcé.

Source: South China Morning Post [2]
Stratégie Mentale #2: Fragmenter sa course
Une autre stratégie très utile, que j’utilise dans ma pratique, est de fragmenter mon effort. Cela est particulièrement utile pour de longs efforts. Au lieu de penser à la fin de l’entraînement, il est plus facile de penser à plein d’objectifs intermédiaires. Lors du Triathlon de Lausanne 2024, cela prenait simplement la forme de petits segments que je me répétais dans la tête: “ok ligne droite jusqu’à la tour Haldimand, je peux bombarder”, “ensuite montée de Denantou, je gère mon effort”, “après il y a un petit replat”, etc. Dit comme ça, les 40 kilomètres de vélo sont passés très rapidement. Penser à l’entièreté de la course ou bien se fixer des objectifs trop ambitieux peut très vite plomber votre motivation.
Stratégie Mentale #3: Association et dissociation
Une stratégie connexe consiste à se concentrer sur autre chose afin de se dissocier de la douleur physique. Dans cette revue de littérature [3], les auteurs font la distinction entre les stratégies attentionnelles dissociatives et associatives. Les premières consistent à se focaliser sur des détails externes à l’effort, tandis que les secondes se réfèrent à l’attention aux sensations corporelles. Les stratégies associatives sont associées à de plus grandes performances dans les sports s’endurance, tandis que les stratégies dissociatives diminuent la perception de l’effort. Lors de mes compétitions de course à pied, j’aime écouter la cacophonie des pas des participants. Elle me paraît presque reposante. J’apprécie également les orchestres le long du parcours, ainsi que la vue. On peut aussi compter ses pas, ou bien se concentrer sur son souffle. À vous de trouver votre truc !
Stratégie Mentale #4: La “Cookie Jar”
Dans son livre “Can’t hurt me”, David Goggins, ancien Navy Seal et sportif d’ultra-endurance, introduit ce qu’il appelle la “Cookie Jar”. C’est une boîte à biscuit imaginaire qui peut donner un boost de motivation lorsque l’effort est soutenu. Chaque succès, aussi petit soit-il, peut entrer dans la Cookie Jar. Ainsi, lorsqu’on est à bout, qu’on a juste envie d’arrêter, on peut se raccrocher aux succès passés. On peut ainsi se parler, se rassurer, se dire qu’on est fort, qu’on a vécu déjà bien pire ! Pour moi, ce concept a été très utile pendant mon premier triathlon. J’ai vécu tellement de séances pénibles durant ma préparation que les mauvais moments pendant la course ne m’ont pas fait vriller dans le négatif. Quelques exemples de biscuits dans ma “Cookie Jar”:
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- Le jour de mon anniversaire, où j’ai pu faire 500 mètres de crawl sans m’arrêter alors que quelques mois auparavant je ne pouvais pas en faire 50.
- Les 10 kilomètres de Lausanne où je suis descendu sous la barre des 43 minutes.
- Cette séance de vélo sur home trainer de 3h20.
- Ma motivation intacte pour apprendre à nager malgré une belle collection de séances frustrantes
- Réussir à faire mon propre entraînement sans me comparer aux autres (pas toujours)
La “Cookie Jar” n’a pas besoin d’être remplie de biscuits exceptionnels. Il n’y a pas de petit accomplissement. Si vous n’avez pas couru depuis des années, alors sortir courir 5 minutes est déjà une immense victoire. Et plus on accumule ces petites victoires, plus on arrive à les mettre en valeur lorsque l’effort devient trop pénible.
Stratégie Mentale #5: (S’)encourager
C’est une stratégie que j’utilise beaucoup. Elle consiste simplement à s’encourager verbalement, quitte à passer pour un fou dans la rue. Lors de mon triathlon, ce fut une ressource précieuse. Personnellement, cela me permet de changer de mindset, soit passer de: “arrête de courir, c’est trop dur” à “tu peux le faire, t’es fort”. On cesse alors d’être son propre ennemi, cherchant à arrêter l’effort, pour devenir un allié précieux. Cette stratégie est confirmée dans cette méta-analyse [4], bien que les chercheurs trouvent que l’augmentation de la performance dû à l’auto-encouragement est moindre pour les sports non-techniques. S’entraîner à plusieurs est aussi un puissant moteur, car lorsqu’une personne n’en peut plus, ses partenaires peuvent l’encourager. Ces moments difficiles sont aussi l’occasion de renforcer les liens sociaux: on se sent plus proches des gens avec lesquels on a souffert. En compétition, comme lors des courses populaires, il n’est pas rare que des spectateurs inconnus scandent notre nom, ou bien que d’autres coureurs nous délestent un peu de notre douleur en nous disant de ne rien lâcher. Finalement, il est bon de se rappeler que l’on a choisi notre douleur physique, et qu’en l’acceptant, on aura moins mal. C’est dans les moments difficiles que notre motivation doit être claire. C’est pourquoi il faut penser en amont au dialogue interne que l’on va se passer pendant l’effort.
J’espère que vous avez trouvé quelque chose d’utile dans cet article ! Pour terminer, je vous partage cette belle citation de Kipchoge:
« Only the disciplined ones are free in life. If you are undisciplined you are a slave to your emotions and your passions. »
Emilien Curchod
Triathlète amateur et coaché par “The Bear”
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Sources
[1] Brick, Nick, et al. “Effects of Facial Expressions on Perceived Exertion and Efficiency in Trained Cyclists.” Psychology of Sport and Exercise, vol. 32, 2017, pp. 15-22. ScienceDirect, https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1469029217303461
[2] Brady, P. (2019, October 15). Why Eliud Kipchoge smiles during sub-two-hour marathon and how you can benefit from doing the same. South China Morning Post. https://www.scmp.com/sport/outdoor/trail-running/article/3032776/why-eliud-kipchoge-smiles-during-sub-two-hour-marathon
[3] Birrer, Daniel, and Gareth Morgan. « Psychological skills training as a way to enhance an athlete’s performance in high‐intensity sports. » Scandinavian journal of medicine & science in sports 20 (2010): 78-87.
[4] Hatzigeorgiadis, Antonis, et al. “Self-Talk and Sports Performance: A Meta-Analysis.” Perspectives on Psychological Science, vol. 6, no. 4, 2011, pp. 348–56. JSTOR, http://www.jstor.org/stable/41613507. Accessed 1 Oct. 2024.