La mémoire musculaire est un terme souvent évoqué dans le monde de la musculation. Mais qu’en est-il au juste? Les muscles peuvent-ils réellement « se souvenir » de la forme physique acquise? Dans cet article, nous allons explorer le cocept de mémoire musculaire sous l’angle scientifique et comprendre comment elle peut influencer notre pratique sportive.
Pourquoi récupère-t-on sa masse musculaire plus rapidement après un arrêt?
Lorsqu’on cesse de s’entraîner, le corps réagit: la masse musculaire diminue et l’endurance chute rapidement. D’un point de vue évolutif, c’est assez logique. Le muscle est métaboliquement coûteux, car son maintien nécessite de grandes quantités d’énergie. Dès que le corps sent qu’il n’en a plus besoin, il entame le processus de réduction qui lui permet d’économiser de l’énergie.
Pourtant, les muscles entraînés présentent une facilité remarquable à retrouver leur état d’entraînement après une pause. Une étude de 2018 menée par des chercheurs de l’Université de Keele confirme cette observation faite par de nombreux pratiquants [1].
Une explication de ce phénomène pourrait se trouver dans l’augmentation du nombre de noyaux musculaires. Dans son article de 2016, Kristian Gundersen explique que lors de l’hypertrophie, des cellules satellites fusionnent avec la fibre musculaire, leur transmettant ainsi leur noyau [2]. Ce dernier est responsable de la synthèse des protéines essentielles à la croissance et à la réparation du muscle.
Lors d’un arrêt d’entraînement, la fibre musculaire rétrécira, mais le nombre de noyaux restera identique. Ainsi, lors de la reprise, même après un arrêt prolongé, les muscles entraînés antérieurement peuvent rapidement augmenter la production des protéines nécessaire à la (re)construction musculaire.

Combien de temps faut-il s’entraîner pour développer de la mémoire musculaire?
Bien que les muscles préalablement entraînés puissent rapidement récupérer leur forme, cela exige tout de même du temps.
Lorsque vous vous entraînez pour la première fois, une période d’au moins trois mois est nécessaire pour des changements cellulaires significatifs. C’est également la durée minimale pour ressentir et observer des améliorations dans les performances et la musculature. C’est entre autres pour cela que la durée minimale de mes coachings personnalisés est de 3 mois.
Selon Gundersen, cette mémoire « cellulaire » des muscles pourrait être très durable chez l’homme, car les noyaux sont stables pendant au moins 15 ans, et pourrait même être permanente.
Il est important de noter que, bien que le réentraînement soit plus aisé pour ceux qui ont déjà pratiqué, la mémoire musculaire diminue avec l’âge. Il est donc préférable de maintenir une routine d’entraînement régulière plutôt que de compter sur ses exploits passés pour retrouver son niveau sportif.
« C’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas »
Vous avez sans doute déjà entendu cette phrase. Par là on sous-entend que les muscles auraient la capacité de se souvenir de schémas moteurs spécifiques et complexes.
En effet, nous avons jusque là exploré la mémoire « cellulaire » liée au nombre de noyaux, mais il existe également une mémoire « neuronale »? Par exemple, lorsque vous apprenez à faire du vélo ou à lancer une balle, votre cerveau et votre moelle épinière travaillent à la fois ensemble et indépendamment pour créer des voies neuronales. Ces réseaux se renforcent avec la répétition du mouvement, facilitant ainsi la transmission rapide des signaux à la partie du corps qui doit être activée [3 & 4].
Une fois formée, la mémoire neuronale musculaire a besoin d’être renforcée pour maintenir la force des connexions, d’où l’importance de la pratique. Toutefois, une fois que notre cerveau a formé des réseaux neuronaux spécifiques pour effectuer un mouvement et encodé tous les souvenirs associés à ce mouvement, nous pouvons encore l’exécuter même si nous ne le pratiquons plus pendant une période prolongée.
Des réflexes plus rapides, des compétences motrices complexes et la capacité de déplacer notre corps dans l’espace tridimensionnel avec rapidité, exactitude et précision font tous partie de ce mécanisme qui se déroule en permanence. C’est ainsi que nous apprenons à marcher, que nous affinons notre technique de course et que nous devons faire preuve de patience et de persévérance lorsqu’il s’agit d’apprendre des mouvements complexes de danse ou d’athlétisme.
Conclusion
La mémoire musculaire est un phénomène complexe qui combine des éléments cellulaires et neuronaux. Les muscles entraînés ont la capacité de retrouver rapidement leur état d’entraînement grâce à l’augmentation du nombre de noyaux, tandis que la mémoire neuronale permet au système nerveux de se souvenir de schémas moteurs spécifiques. Bien que ces mémoires aient leur avantages, la constance dans l’entraînement reste essentielle pour les renforcer.
Sources:
[1] Seaborne et al. Human Skeletal Muscle Possesses an Epigenetic Memory of Hypertrophy. 2018.
https://www.nature.com/articles/s41598-018-20287-3
[2] Kristian Gundersen. Muscle memory and a new cellular model for muscle atrophy and hypertrophy. 2016.
https://journals.biologists.com/jeb/article/219/2/235/33480/Muscle-memory-and-a-new-cellular-model-for-muscle
[3] Hwang et al. Motor learning selectively strengthens cortical and striatal synapses of motor engram neurons. 2022.
https://www.cell.com/neuron/fulltext/S0896-6273(22)00544-X?dgcid=raven_jbs_aip_email
[4] Richard Robinson. Learning with the Spinal Cord. 2015.
https://journals.plos.org/plosbiology/article?id=10.1371/journal.pbio.1002187