Au vu des charges impressionnantes qui sont soulevées dans les épreuves de force, une question persistante se pose: les sports de force sont-ils risqués?
Entre les préoccupations sur les blessures potentielles et les idées préconçues sur la dangerosité de soulever des charges lourdes, il est temps d’explorer ce que dit la littérature scientifique sur le sujet. Dans cet article, vous allez découvrir quels sont les risques réels et idées reçues sur la pratique des sports de force.
Les sports de force, plus risqués que les autres disciplines?
La pratique des sports de force, tels que l’haltérophilie, le powerlifting et le strongman, comporte un certain niveau de risque en raison de la nature des mouvements et des charges lourdes impliquées. Toutefois, c’est également le cas avec la plupart des activités sportives intensives. En effet, les sports de force, pratiqués à un niveau d’intensité équivalent à d’autres sports, ne sont pas intrinsèquement plus dangereux.
Une étude de 2016 menée par Aasa et al., a effectué un comparatif du nombre de blessures moyen pour 1000 heures d’entraînement dans différents sports [1]. Le rugby et le football occupent les premières places avec respectivement 9.6 et 9.5 blessures pour 1000 heures de pratique. En revanche, les sports de force se situent loin derrière avec une moyenne de 1 blessure pour 1000 heures de pratique.
Le powerlifting et l’haltérophilie se révèlent donc moins dangereux que le jogging (2.5 blessures) ou le ski (1.7 blessures), deux des disciplines sportives parmi les plus pratiquées en Suisse selon l’Office fédéral de la statistique (OFS).
Une autre revue systématique, parue la même année, s’est penché exclusivement sur les différents sports de force et a trouvé des résultats très similaires [2].
Le Bodybuilding présente les taux de blessures les plus bas (0,1-0,7 blessure par pratiquant et par an, correspondant à 0.24-1 blessure pour 1000 heures de pratique). Le Powerlifting présente des taux légèrement plus élevés (0.3-0.4 blessures par pratiquant et par an, correspondant à 1-1.1 blessures pour 1000 heures de pratique). Le Strongman reste le sport le plus dangereux en moyenne avec 2 blessures par pratiquant par année, soit 5.5 blessures pour 1000 heures d’entraînement.
Les blessures dans le sports de force sont-elles plus graves?
Selon la revue systématique de Keong & Winwood (2016), dans les sports de force tels que l’haltérophilie, le powerliftng ou le bodybuilding, les blessures sont généralement moins graves que dans les sports de contact comme le rugby ou le football américain.
La majorité des blessures liées à la musculation sont mineures, incluant principalement des déchirures musculaires, des tendinites et des entorses, qui nécessitent généralement un temps de récupération court.
Les taux de blessures aiguës dans ces disciplines varient entre 26 et 72 %, tandis que les taux de blessures chroniques oscillent entre 25 et 50 %. Ces blessures sont souvent dues à des facteurs tels que la fatigue (60 %), des erreurs techniques (31 %) ou une charge excessive (21 %).
En revanche, les sports de contact entraînent souvent des blessures plus graves, telles que des fractures, des commotions cérébrales et des déchirures ligamentaires, en raison des collisions physiques.
En ce qui concerne des sports comme l’athlétisme, le cyclisme ou la natation, ils peuvent quant à eux entraîner des blessures d’usure en raison de l’entraînement intense et répétitif (tendinites, syndrôme de l’essuie-glace, fractures de stress, etc.).
Enfin, il est à noter que les sports de force sont le plus souvent pratiqués dans des clubs ou des fitness. Bien que de nombreux pratiquants se retrouvent souvent livrés à eux-mêmes dans ces salles, la supervision d’un entraîneur dans certaines d’entre elles permet de réduire les risques de blessures grâce à l’adoption de bonnes techniques et à une programmation cohérente.
Les sports de force pour mieux vieillir?
La plupart des disciplines de force mettent l’accent sur un apprentissage technique approprié pour améliorer la performance, contribuant ainsi à la prévention des blessures. De plus, la pratique de l’entraînement de force permet de renforcer les muscles et les articulations, réduisant ainsi d’autant le risque de blessures sportives.
Pratiquée avec une bonne technique et sous la supervision d’entraîneurs qualitifés, la musculation peut jouer un rôle important dans la prévention de l’arthrose, notamment en renforçant les muscles qui stabilisent les articulations, absorbent une partie du choc subi aux cours d’activités physiques (comme la course à pied par exemple) et répartissent mieux la charge sur les os et les cartilages.
Enfin, avec l’âge survient souvent une perte de masse musculaire, également connue sous le nom de sarcopénie. La musculation aide à prévenir cette perte muscualire, ce qui est – comme nous l’avons vu plus haut – essentiel pour maintenir la force et la fonction articulaire. Mais également pour conserver sa mobilité et donc une bonne qualité de vie.
Les sports de force, c’est mauvais pour la croissance!
Vous avez peut-être déjà entendu l’idée selon laquelle « la musculation peut provoquer des arrêts de croissance chez les adolescents ». Il est grand temps de briser ce mythe: il n’y a aucune preuve scientifique permettant de démontrer que la musculation provoque des arrêts de croissance. Aucune.
La musculation pratiquée de manière appropriée et supervisée n’affecte pas la croissance normale des enfants ou des adolescents. Une étude menée par Faigenbaum publiée en 2001 dans le Journal of Physical Education montre qu’il n’y a pas lieu de craidre que l’entraînement de la force nuise à la croissance des enfants [3]. Bien au contraîre, le renforcement musculaire aura probablement une influence favorable sur leur croissance.
Un rapport plus récent de Stricker et al. en 2020 a également souligné les avantages potentiels de la musculation chez les jeunes, favorisant le développement de la force, de la coordination et de la santé osseuse [4].
Une méta-analyse réalisée en 1996 par Falk et Tenenbaum a montré l’efficacité de l’entraînement de résistance chez les enfants,
tandis qu’une autre méta-analyse plus récente, réalisée en 2016 par Lesinski et al., a conclu que l’entraînement en résistance semble améliorer la force musculaire chez les enfants et les adolescents et recommande de principalement mettre en place des programmes d’entraînement avec moins de répétitions et des intensités plus élevées.
Toutefois, pour les jeunes athlètes, l’accent doit être mis sur la technique d’exécution plutôt que sur la quantité de poids soulevée. Comme déjà mentionné plus haut, une bonne technique aide à prévenir les blessures et favorise un développement musculaire sain. Par ailleurs, les jeunes sportifs pourront améliorer leur coordination de manière significative.
Conclusion
Chaque sport a ses propres risques et avantages. La sécurité dépend de nombreux facteurs, y compris la préparation physique, l’entraînement adéquat, la technique d’exécution et la surveillance appropriée. Si pratiqués correctement, les sports de force ne sont pas nécessairement plus dangereux que d’autres sports à un niveau d’intensité équivalent. Il est essentiel que les athlètes comprennent et respectent leurs propres limites physiques, suivent une formation appropriée et pratiquent avec une technique correcte pour minimiser les risques de blessures.
Sources
[1] Aasa et al. (2016). Injuries among weightlifters and powerlifters: a systematic review.
https://bjsm.bmj.com/content/51/4/211.short
[2] Justin W. L. Keogh & Paul W. Winwood (2016). The Epidemiology of Injuries Across the Weight-Training Sports.
https://link.springer.com/article/10.1007/s40279-016-0575-0?__s=3jrge7yiwzwhjds3bzav
[3] Avery D. Faigenbaum (2001). Strength Training and Children’s Health.
https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1080/07303084.2001.10605847
[4] Stricker et al. (2020). Resistance Training for Children and Adolescents.
https://publications.aap.org/pediatrics/article/145/6/e20201011/76942/Resistance-Training-for-Children-and-Adolescents
[5] Falk & Tenenbaum (1996). The Effectiveness of Resistance Training in Children.
https://link.springer.com/article/10.2165/00007256-199622030-00004
[6] Lesinski et al. (2016). Effects and dose–response relationships of resistance training on physical performance in youth athletes: a systematic review and meta-analysis.
https://bjsm.bmj.com/content/50/13/781.citation-tools